« Indécence énergétique » : le 1er janvier 2023 marque-t-il un vrai tournant ?

PASSOIRES ÉNERGÉTIQUES ET ‘INTERDICTION DE LOUER’ :

UN COUP D’ŒIL EN COULISSE

La rubrique ‘Économie > Logement’ du site du gouvernement français indique : “Le Gouvernement va interdire à la location les logements dits « passoires énergétiques » à partir de 2023. Et modifie en ce sens le critère de performance énergétique d'un logement”.


Le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021, relatif aux critères de performance énergétique définissant un logement ‘décent’ en France métropolitaine, codifie les règles applicables et indique les conséquences de cette décision.


Cette ‘interdiction de location’, qui prend effet le 1er janvier 2023, mérite cependant une analyse nuancée et objective.


En effet, en dépit des annonces faites dans divers média, et même de la formulation vigoureuse adoptée par le gouvernement – qui laissent à penser que les passoires énergétiques font désormais l’objet d’une interdiction de louer pure et simple – la portée à court terme des mesures annoncées reste pour le moins limitée.


1. Tout d’abord, l’interdiction ne s’applique qu’à des nouveaux baux signés en France métropolitaine (ou à des baux renouvelés par tacite reconduction). Les baux en cours ne sont pas concernés.


2. Ensuite, la notion ‘d’indécence thermique’ est bien plus restrictive que celle de ‘passoire thermique’ – avec laquelle on pourrait être tenté de la confondre. En fait, sur près de 5 millions de passoires thermiques répertoriées en France, moins de 100 000 sont considérées comme ‘indécentes’, avec une consommation d’énergie primaire supérieure à 450 kWh EP/m²/an (EP = Energie Primaire), soit cinq fois supérieure à celle d’un bâtiment répondant aux critères du label BBC Effinergie Rénovation (≤ 80 kWh EP/m²/an). Résultat : pour l’instant, 98 % des passoires thermiques continuent de satisfaire aux critères de ‘décence’ en matière de performance énergétique ! On mesure la portée limitée, à ce stade, des dispositions édictées…


3. Pour un logement auquel s’applique l’étiquette de performance énergétique G, la loi Climat et Résilience donne néanmoins la possibilité au locataire d’exiger du bailleur, dès à présent, des travaux de rénovation énergétique. À cette fin, il peut s’appuyer sur « …plusieurs mécanismes d’information, d’incitation et de contrôle… », comme le stipule la loi.

 

Cela étant, sur le plan socio-démographique, seule une proportion relativement faible de ménages aisés sont concernés par la problématique. À l’évidence, ce sont surtout des ménages modestes qui occupent les centaines de milliers d’HLM non isolées, construites entre les années 50 et le milieu des années 70, et les habitations vétustes du parc locatif privé.

 

Or dans la pratique, cette « possibilité d’exiger » risque de nécessiter – à défaut d’un bailleur particulièrement compréhensif et suffisamment solvable – le recours à une procédure judiciaire. Est-ce une réelle option pour des ménages à faibles revenus en situation de précarité énergétique ? Il est peu probable que la combativité requise soit au rendez-vous pour engager une action de longue haleine, potentiellement coûteuse pour un résultat incertain – mais avec la quasi garantie d’une détérioration irréversible de la relation propriétaire-locataire.

 

En fait et en date d’aujourd’hui, le calendrier des exclusions qui affecteront la totalité des biens ayant une étiquette énergétique très déperditive s’établit comme suit – et toujours à la signature d’un nouveau bail ou à sa tacite reconduction uniquement :

 

·   2025 : tous les logements extêmement peu performants – étiquette G

 

·   2028 : tous les logements très peu performants – étiquette F

 

·   2034 : les logements peu performants – étiquette E

 

Force est donc de faire deux constats, l’un positif, l’autre très mitigé :

 

A. La disparition à terme des ‘passoires thermiques’ s’appuie désormais sur des dispositions coercitives dans le triple but de diminuer l’impact des coûts de l’énergie sur le budget des ménages, les émissions de gaz à effet de serre et les risques géopolitiques de la dépendance énergétique.

 

B. L’impact concret des mesures adoptées sera des plus progressif, puisqu’il faudra attendre plus de 10 ans pour que soient disqualifiés l’intégralité des logements des catégories G, F, E – et cela exclusivement à la signature ou au renouvellement d’un bail !